Présentes depuis plusieurs années dans d’autres pays d’Europe, les petites unités de cogénération employant la technologie de gazéification du bois ne sont apparues en Wallonie qu’en 2018.
Retour sur l’arrivée de ce type d’unités, leurs atouts, leurs contraintes et les meilleures situations pour les implanter.
La gazéification du bois et l’utilisation du syngaz
La gazéification, quand elle est appliquée à de la biomasse de type bois, est une technique qui consiste à transformer cette ressource solide en un mélange de gaz par un processus complexe, à haute température et en présence réduite et contrôlée d’oxygène.
Lors de ce processus, quatre phénomènes thermochimiques se succèdent : 1) le séchage, 2) la pyrolyse, 3) l’oxydation et enfin 4) la réduction de la biomasse initialement introduite. Les produits de cette réaction de gazéification sont des cendres et/ou du biochar, des goudrons et un mélange de gaz.
Lors de son emploi en cogénération, ce processus de gazéification est conduit de manière à maximiser la production de gaz, en diminuant autant que possible la quantité de goudrons et de cendres/biochar. Ce gaz, appelé syngas (de l’anglais synthetic gas), est un mélange de gaz qui contient de l’hydrogène (H2), du mono- et du dioxyde de carbone (CO et CO2), une part variable de goudrons et d’eau et éventuellement des traces de méthane (CH4). Les deux premiers gaz (H2 et CO) sont combustibles et leur teneur déterminera le pouvoir calorifique du syngaz. L’avantage de la transformation du bois en syngas est de pouvoir alors utiliser ce dernier dans un moteur thermique à combustion interne. Ce moteur transformera cette énergie en une force motrice, qui pourra par exemple entraîner un alternateur et produire de l’électricité.
Schéma adapté. Sources : gazeification.info (S3D Ingénierie) ; cogebio.com.
Comparé au gaz naturel ou au biométhane, le syngas est un type de gaz pauvre, c’est-à-dire avec un contenu énergétique faible. Son PCI varie entre 1,1 et 5,5 kWh/Nm³ selon le procédé et l’agent oxydant, contre 8,5 à 9,5 kWh/Nm³ pour le gaz naturel. Il n’est alors pas économiquement rentable de transporter ce syngas, même comprimé, sur de longues distances. C’est pourquoi les équipements de gazéification sont très majoritairement couplés avec un moteur thermique qui utilise le syngaz au fur et à mesure de sa production. Comme le procédé de gazéification, le refroidissement du gaz et le refroidissement du moteur thermique dégagent de la chaleur qui peut être valorisée, on parle alors de cogénération de chaleur et d’électricité.
La technologie de gazéification peut théoriquement s’appliquer à toute une série de type de biomasse autre que le bois (pailles, résidus agro-alimentaires, etc.), et des projets sont encore en cours de développement[1].
Notons également que certaines technologies de gazéification produisent une part non négligeable de biochar. Ce dernier peut éventuellement être utilisé comme amendement pour les sols agricoles ou être valorisé énergétiquement dans une chaudière adaptée.
La micro-cogénération par gazéification de bois
De quoi s’agit-il ?
Les unités de micro-cogénération[2] par gazéification de bois sont constituées généralement de trois éléments :
- l’unité de gazéification comprenant l’élément principal, appelé gazéifieur ou réformeur, où se déroulent les 4 étapes précitées ;
- un module de refroidissement et filtration du syngas ;
- un moteur thermique utilisant le syngas comme combustible pour produire de l’électricité.
L’ensemble peut tenir dans un volume de la taille d’un container (voir encore moins pour les plus petites unités). Ce type d’unité produit de la chaleur et de l’électricité (cogénération), selon un ratio d’environ 1/3 d’électricité pour 2/3 de chaleur. Les différents constructeurs proposent des gammes allant d’une répartition d’environ 50 kWél + 100 kWth et qui descend jusqu’à 9 kWél + 22 kWth pour le plus petit modèle.
Avec à une puissance de production de chaleur (de 22 à 100 kWth) qui permet de couvrir tout un panel de besoins en chauffage ou en séchage, ce type d’unité permet une production d’électricité avec un meilleur ratio électricité/chaleur que la technologie Stirling[3]. Il reste adapté à toute une série de projets dont la taille n’est pas suffisante pour l’usage d’une technologie turbine-vapeur.
Il s’agit donc d’une solution intéressante pour qui veut produire chaleur et électricité au départ de bois, à condition que le projet s’y prête.
Quels types de projets conviennent à cette technologie ?
Comme ces micro-cogénérations génèrent deux fois plus de chaleur que d’électricité, il est primordial d’avoir un débouché pour cette chaleur.
Généralement, des besoins en chaleur pour le chauffage des bâtiments (uniquement durant la saison de chauffe) et la production d’eau chaude sanitaire (tout au long de l’année) peuvent très bien être couverts par une chaudière à bois « classique », fonctionnant aux pellets ou plaquettes.
A noter : une cogénération de ce type ne devient rentable que si elle tourne au minimum 6.500 à 7.000 heures par an, soit entre 74 et 80 % du temps sur une année. Il convient donc d’avoir une utilisation de la chaleur produite tout au long de l’année, même en dehors de la période de chauffe des bâtiments.
Par exemple, une activité de séchage de bois constitue une forme de valorisation de cette chaleur. Cette activité est souvent employée pour des produits de scierie ou pour du bois-énergie sous forme de bûches ou de plaquettes.
De même, des projets intégrant des activités consommatrices de chaleur de manière continue (piscine publique, centre aquatique, espace hôtellerie, wellness…) sont particulièrement bien adaptés à ce type d’installation.
Le combustible adapté
À l’inverse de certaines chaudières biomasse qui peuvent tolérer un combustible avec des caractéristiques de granulométrie et d’humidité plus ou moins variables, les micro-cogénérations actuellement sur le marché sont beaucoup plus exigeantes.
Le combustible employé doit contenir peu de particules fines (maximum 10 %) et l’humidité doit être inférieure à 10 % (certains constructeurs citent néanmoins une gamme d’humidité de < 18 % à < 13 %). Ces conditions limitent actuellement le choix du combustible employé : soit des pellets, soit des plaquettes de bois bien criblés et spécifiquement séchées pour descendre au bon taux d’humidité. À moins d’être équipé d’un cribleur et d’un sécheur, il est donc difficile actuellement d’autoproduire ses propres plaquettes pour ce type de micro-cogénération.
Produire, consommer et injecter l’électricité produite
Les projets wallons de micro-cogénération bois sont généralement destinés à produire de l’électricité qui sera en grande partie consommée sur le site de sa production.
En effet, en Wallonie, le coût du MWh électrique acheté sur le réseau (de l’ordre de 150 à 220 €/MWh selon le type de consommateur et sa consommation) est bien supérieur au coût de revente d’un MWh sur ce réseau (entre 35 et 40 €/MWh). En tant que producteur d’électricité à partir d’une ressource renouvelable, ce dernier est en principe éligible au mécanisme de soutien mis en place actuellement : celui des Certificats Verts.
Ce mécanisme et ses procédures faisant l’objet de discussion et de révisions plus ou moins fréquentes, nous incitons le futur producteur à bien se renseigner auprès de la CWaPE (Commission wallonne pour l'énergie).
Sauf dans les rares cas de projets hors-réseau, l’installation sera raccordée au réseau électrique sur lequel elle pourra également injecter un éventuel surplus d’électricité verte produite. Ce raccordement est soumis à des règles et démarches spécifiques qu’il convient de respecter.
Un entretien quotidien
Outre les opérations de maintenance qui seront effectuée à intervalles définies (en termes d’heures de fonctionnement), les micro-cogénérations par gazéification de bois nécessite de consacrer quotidiennement entre 5 et 15 minutes à vérifier le bon fonctionnement des différents éléments.
Il est possible de raccorder l’installation à un système d’alertes et de notifications à distance (mail et/ou sms), ainsi que de consulter les paramètres en temps réel sur PC ou smartphone. Néanmoins, si ces options permettent d’être informé rapidement d’un arrêt ou problème, elles ne dispensent pas des vérifications quotidiennes sur site.
En Wallonie
À ce jour, la Wallonie compte plusieurs projets de micro-cogénération à l’étude. Trois installations sont actuellement en fonctionnement : l’une dans une maison de repos, l’autre dans une école et la dernière en intégration avec un réseau de chaleur biomasse qui alimente un quartier entier.
Conclusion
La micro-cogénération par gazéification de bois offre une solution technologiquement mature. Elle est proposée par un nombre désormais croissant de constructeurs. Pour pouvoir tirer parti des avantages de cette production combinée de chaleur et d’électricité au départ de bois, il convient néanmoins de tenir compte de ses contraintes spécifiques.
L’erreur commune est de l’envisager principalement pour la production d’électricité, sans débouché (ou insuffisant) pour l’usage de la chaleur. Quand les contraintes ont été bien intégrées au projet, ces unités constituent des solutions de production de chaleur et d’électricité vertes particulièrement intéressantes. A noter également : le projet doit être dimensionné sur base du besoin en chaleur et non l’inverse.
Alimentée en biomasse locale, cette solution énergétique contribue à notre indépendance énergétique, offre une production d’énergie renouvelable « à la demande » et s’intègre parfaitement dans notre mix énergétique renouvelable. Les pistes de développement pour de nouveaux projets sont variées (piscine communale, maison de repos, hôtellerie….) et la recherche sur la gazéification d’autres formes de biomasse que le bois apportent des résultats encourageants. On peut donc bel et bien augurer un bel avenir aux unités de micro-cogénération de biomasse solide.
[1] A lire : Visite d’un pilote de pyro-gazéification de la biomasse – ValBioMag, 05.11.2018
[2] Le terme micro-cogénération fait référence aux unités d’une puissance maximale de 50 kWél, selon la définition de la Directive européenne 2012/27/UE du 25 octobre 2012. La technologie présentée dans cet article s’applique également à des unités d’une puissance électrique légèrement supérieure à 50 kWél.
[3] Le moteur Stirling est un moteur à combustion externe ; c’est-à-dire un moteur qui utilise une source de chaleur externe au moteur lui-même pour convertir cette chaleur en une force motrice. Cette force motrice peut, par exemple, entrainer un alternateur et être convertie en énergie électrique.