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Bois-énergie en Wallonie : la forêt wallonne peut-elle couvrir durablement nos besoins énergétiques ? 

Analyse
21.05.2024
Ludovic Charloteaux, Chargé de projet Bois-énergie
Bois-énergie en Wallonie :  la forêt wallonne peut-elle couvrir durablement nos besoins énergétiques ?

Les forêts couvrent 33 % du territoire wallon1. En parallèle, le bois-énergie représente la première source d’énergie thermique renouvelable en Wallonie. Pour autant, la forêt wallonne pourrait-elle répondre aux besoins énergétiques de tous les citoyens ? Oui… et non. La réponse n’est pas si simple et mérite une analyse.  

Pour mieux la comprendre, découpons-là en deux parties : la forêt wallonne peut-elle fournir du bois-énergie de manière durable ? Ensuite, ses capacités seront-elles suffisantes pour couvrir les besoins en bois-énergie de tous les citoyens wallons ? 

1. La forêt wallonne peut-elle fournir du bois-énergie durablement ?  

 
La surface occupée par la forêt wallonne est en très légère hausse entre 2019 et 2021, passant de 557.909 à 563.000 hectares1. Pour autant, est-elle capable de couvrir les besoins en bois-énergie des citoyens et de garantir ses capacités futures ? 

Miser sur une sylviculture durable 

Ne vaut-il mieux pas conserver nos forêts comme un poumon de la région wallonne, comme un refuge pour la biodiversité ? Et si cette vision était compatible avec l’exploitation forestière, et la production de bois-énergie ? 

C’est ce que permet une sylviculture durable, où l’exploitation forestière vient même contribuer à préserver les forêts, les sols et la biodiversité. 

Certains passionnés des forêts appliquent par eux-mêmes cette gestion planifiée et raisonnée de la ressource forestière. D’autres se font aider et suivre, afin de pouvoir faire certifier leurs hectares de bois par un label indépendant : PEFC ou FSC. En Wallonie, on compte environ 50 % de forêts privées (dont 13 % certifiées PEFC), et 50 % de forêts publiques (dont 95 % certifiées PEFC)1.  

Ne pas prélever davantage que la production annuelle 

Pour assurer une gestion durable, l’une des premières conditions est de ne prélever, en termes de volume de bois, que l’accroissement annuel, c’est-à-dire le volume de bois produit par la forêt en un an. En effet, prélever davantage sur le long terme mènerait à une diminution des ressources forestières.  

Selon l’évaluation des ressources forestières effectuée par le DNF (Direction de la Nature et des Forêts), la superficie forestière totale a augmenté de 4% sur la période 1981 – 20162.  

A noter que l’accroissement prélevé sur certaines périodes dépassait légèrement l’équilibre2. Sur la période de 2003 à 2018, le rapport entre les volumes de bois prélevés et ceux produits était légèrement déséquilibré, avec un taux d'exploitation de 102 %, tous propriétaires confondus.

Ce déséquilibre était principalement dû à la surexploitation de l’épicéa, régulièrement implanté sur des sols qui ne convenaient pas dans les années 70. La situation ne devrait pas se poursuivre à long terme. 

Autres mesures de gestion forestière durable 

Parmi les bonnes pratiques de gestion, on retrouve les plans d’aménagement forestier. Ces plans permettent notamment de planifier les opérations sylvicoles sur plusieurs dizaines d’années. 

D’autres mesures concernent les actions en faveur du maintien et de l’amélioration de la biodiversité, les zones d’importance écologique à protéger, etc. Enfin, elles visent à éviter la surexploitation ou l’exploitation illégale des forêts, afin de garantir un équilibre et la pérennité de la forêt, des sols, de la biodiversité et des droits humains.  

Et le bois-énergie dans tout ça ?  

Le bois-énergie est principalement un sous-produit de la gestion forestière. Pour mieux saisir cette idée, prenons l'exemple de la production de blé : un agriculteur travaille le sol, sème du blé, prend soin de sa culture et récolte les grains dans le but de les vendre. Cependant, il récolte également la paille, qu'il utilise comme litière pour ses animaux. De manière similaire, le bois-énergie est un coproduit intéressant à valoriser. 

La gestion forestière durable nécessite parfois des coupes de bois qui ne répondent pas aux exigences de qualité pour être utilisées dans la construction ou l'ameublement. Ces ressources peuvent plutôt être orientées vers des industries telles que le papier, la production de panneaux de bois ou encore la production d'énergie, afin d’être valorisées autrement. 

Il en va de même pour de grosses branches, des arbres malades, tombés ou très mal conformés. Que ce soit en bûches ou en pellets, le bois-énergie wallon provenant d’une sylviculture durable n’a pas d’impact négatif sur le futur de nos forêts. 

Les utilisations de l'arbre adulte en Wallonie (2022)

2. La forêt wallonne peut-elle couvrir les besoins de tous les citoyens ? 

Historiquement, le bois-énergie fût la source d’énergie principale de l’Humanité, et ce jusqu’au milieu du 19e siècle, où le charbon minier a fait son apparition. Aujourd’hui, le bois occupe près de 60 % de la part de chaleur renouvelable en Wallonie3

Du bois-énergie pour chauffer tous les ménages : une bonne idée ?  

À terme, l’objectif n’est pas de passer à 100 % de l’énergie renouvelable au bois. Dans l’état actuel des bâtiments, c’est bien simple : impossible de chauffer les quelques 3,7 millions de wallons uniquement avec du bois issu du territoire wallon !  

Cependant, le bois-énergie n'est pas toujours la solution de chauffage la plus appropriée. C’est notamment le cas des grandes villes ou régions éloignées des exploitations forestières, où le stockage et le transport représentent des défis logistiques. De plus, les émissions de particules fines dues à une mauvaise utilisation des poêles à bois peuvent représenter un défi supplémentaire pour la qualité de l’air des zones urbaines. 

Une réponse énergétique adaptée à chaque situation 

En zone urbaine, les Réseaux d’Energie Thermique (RET) se présentent comme une solution d’avenir durable4. En effet, un vaste réseau de chaleur (de l’eau chaude, somme toute !) permet de réduire les émissions de particules dans les villes, tout en utilisant la technologie de chauffage centralisée la plus adaptée, que cela soit le bois-énergie ou non. Le plus : un RET permet également de refroidir les bâtiments, en faisant circuler de l’eau froide. 

D’autre part, d’autres énergies renouvelables alternatives sont présentes sur le territoire wallon : pompes à chaleur, géothermie, solaire thermique, biogaz et biomasse sont de plus en plus répandus. 

Chaque énergie renouvelable présente ses propres forces et faiblesses, et le choix de l’une et/ou l’autre dépend de la situation : zone urbaine ou décentralisée, proche d’une ressource forestière ou non, en fin d’été ou au cœur du pic hivernal… la solution est plutôt de réfléchir en termes de mix énergétique, où le bois-énergie a certainement sa place. 

Et donc, quelle place pour le bois énergie ?  

La place prédominante du bois-énergie dans le mix renouvelable wallon ne s’explique pas uniquement par la grande disponibilité de la ressource. Le bois-énergie présente en effet plusieurs avantages qu’il est important de souligner.  

3. Les avantages du bois-énergie en Wallonie 

Le bois avant tout une ressource locale, à l’impact environnemental assez aisément quantifiable, et limité à nos contrées. 

Le bois-énergie en lui-même, hors collecte, transport et transformation, est qualifié de « neutre en CO2 ». Pour comprendre cette appellation, rappelons que le bois est une accumulation de carbone issu de la photosynthèse des plantes. Le CO2 absorbé dans l’atmosphère est ainsi stocké sous forme solide, et ne contribue plus à l’effet de serre. Au moment où ce bois sera brûlé, ou décomposé naturellement, il rendra ce même CO2 à l’atmosphère, ni plus, ni moins. 

Il est donc essentiel de s’approvisionner en bois-énergie local, issu de forêt labelisée, pour garantir jusqu’au bout un impact environnemental fortement réduit.  

Autre avantage majeur, le bois agit comme une forme de batterie naturelle : il permet de stocker de l’énergie sous forme solide, sans déperdition. Cette batterie est certes volumineuse, mais elle n’a pas d’impact négatif sur l’environnement et peut être conservée ou utilisée, en fonction des pics ou des creux de consommation. Le bois offre ainsi une flexibilité sans pareil dans son usage, particulièrement idéale en cas de pic hivernal. 

En tant que ressource locale, le bois-énergie permet également de limiter notre dépendance énergétique aux marchés étrangers. Enfin, c’est l’énergie brute la moins chère depuis de nombreuses années, avec un prix bien plus stable que ses alternatives5

Enfin, le bois participe à notre économie régionale, fournit de l’emploi non délocalisable et, s’il provient de forêts gérées durablement, participe à la préservation de nos écosystèmes. 

Le bois énergie dans le mix énergétique wallon (2022)

4. Quel(s) usage(s) pour le bois-énergie ? 

Nous le mentionnons, le bois-énergie doit être envisagé comme une partie d’un mix énergétique. 

Dans les zones proches de la ressource forestière, il y offre une source d’énergie locale, stockable, économique et écologique, qu’il soit utilisé transformé ou tel quel (à condition de bien maîtriser sa combustion et de disposer d’une installation performante !). 

S’il alimente un réseau d’énergie thermique, ou une chaudière de copropriété, il peut également répondre aux besoins de nombreuses situations. 

En somme, si le bois-énergie n’a pas la vocation de se présenter comme l’unique source d’énergie renouvelable, il mérite certainement sa place sur le haut du podium wallon, au sein d’un mix énergétique renouvelable diversifié.  


Sources :

1 PanoraBois 2021, Filière Bois Wallonie, https://www.filiereboiswallonie.be/sites/default/files/media-documents/OEWB-PanoraBois_2021_0.pdf

2 Ressources forestières, Etat de l’environnement wallon, 2023 - http://etat.environnement.wallonie.be/contents/indicatorsheets/RESS%204.html# [1] Ressources forestières, Etat de l’environnement wallon, 2023 - http://etat.environnement.wallonie.be/contents/indicatorsheets/RESS%205.html#

3 Le bois énergie en chiffres, Fehbel - https://febhel.be/fr/le-bois-energies-en-chiffres

4 C. Haveaux, J. Frippiat, Les réseaux de chaleur, ce grand potentiel renouvelable, Renouvelle, 2020 - https://www.renouvelle.be/fr/les-reseaux-de-chaleur-ce-grand-potentiel-renouvelable/

5 Suivi mensuel des prix des combustibles bois, Valbiom - https://www.valbiom.be/actualites/suivi-mensuel-des-prix-des-combustibles-bois