Les coproduits végétaux sont une matière première prometteuse. Cette biomasse, déjà disponible ou émergente, peut être une source précieuse de molécules d’intérêt pour différents secteurs applicatifs, moyennant une extraction appropriée. Quelles sont les ressources disponibles en Wallonie ? Quelles sont les opportunités et les contraintes pour la filière ? Ou encore, quelles sont les perspectives ?
Le mardi 19 septembre à Gembloux se tenait la journée « Extractibles issus du chanvre et des écorces : un champ d’application s’ouvre en Wallonie ». L’occasion de répondre à ces différentes questions et de présenter les résultats des projets wallons financés par le plan de relance ExtraHempWal (sommités du chanvre textile) et ExtraForWal (écorces), ainsi que leurs perspectives.
Soutenir le développement de l’extraction végétale en Wallonie
Si l’extraction de molécules végétales reste aujourd’hui encore peu développée sur le territoire wallon, elle représente pourtant une opportunité de covalorisation importante. En effet, celle-ci permettrait d’apporter des opportunités de valorisations complémentaires, pour les industries wallonnes employant de la biomasse.
Les projets présentés s’inscrivent tous deux dans le plan d’action de la Région wallonne pour le développement de l’économie circulaire, Circular Wallonia. Ils ont chacun pour objectifs d’explorer le potentiel de l’extraction de molécules végétales de coproduits (les sommités de chanvres ou les écorces).
Les résultats de ces projets, présentés lors de la journée du 19 septembre, ouvrent ainsi la porte à la valorisation des coproduits par le biais de l’extraction de molécules végétales en Wallonie.
ExtraHempWal : la covalorisation des fibres longues et des sommités du chanvre textile
Conscient du potentiel de la culture du chanvre pour les secteurs agricoles et de l’industrie, le Gouvernement wallon a confié à Valbiom la mission de développer la filière du chanvre textile sur le territoire. Le développement du chanvre « fibres longues » offre également l’opportunité de valoriser un coproduit, les sommités.
Le projet ExtraHempWal, démarré en 2021, a ainsi exploré le potentiel de l’extraction des molécules actives présentes dans les sommités du chanvre textile pour divers secteurs applicatifs. L’ambition de ce projet est d’évaluer, à la fois techniquement et économiquement, la possibilité de valoriser ces sommités fleuries, afin d’augmenter la rentabilité de la culture de chanvre textile.
L’enjeu est d’estimer la faisabilité de valoriser en même temps les différentes parties de la plante, afin d’obtenir à la fois des fibres longues de haute qualité, et des sommités aux molécules d’intérêt pertinentes pour une commercialisation dans différents secteurs applicatifs.
La recherche menée a ainsi évalué, pour différents stades de développement de la plante et pour différentes variétés de chanvre, les caractéristiques des fibres à la fois en termes de quantité et de qualité, ainsi que la concentration des différentes molécules d’intérêt présentes dans les sommités (cannabinoïdes, terpènes et flavonoïdes).
Parmi les actions réalisées dans le cadre de ce projet, retenons notamment :
- La réalisation d’essais en placettes de quatre variétés à deux moments de coupes
- L’évaluation du taux de remplissage des fibres à différents stades de végétation
- Des tests de différentes méthodes de séchage mobilisant des équipements déjà présents en Wallonie
- Des tests de différents modes d’extraction des molécules d’intérêt contenues dans les sommités
Les coûts des différentes méthodes de séchage et d'extraction ont également été évalués, et des extraits bruts ont été réalisés à des fins de recherche. Le dosage des molécules actives a également été fait.
Au terme de cette mission, la covalorisation des sommités du chanvre textile fibres longues semble envisageable au vu du complexe de molécules intéressant :
- Concentration intéressante en polyphénols, et surtout en Lutéoline 7-O-glucuronide
- Concentration semble plus intéressante avant la floraison
- Résultats préliminaires des activités « biocontrôle » prometteurs
De plus, les outils en Wallonie semblent adaptés pour la covalorisation (séchoir & plateforme d’extraction). Cependant, les résultats présentés présentent certaines limites. Des prélèvements similaires seront effectués ultérieurement pour confirmer cette tendance.
L’ensemble des résultats issus de ces différentes actions ont été présentés par les chercheurs impliqués lors de cette journée :
- Valentine Donck, chef de projet chez Valbiom.
- Mathieu Bonnave, ingénieur de projet au CARAH est venu présenter la mise en place des essais et la prise d’échantillons.
- Etienne Maron, responsable de projet de recherche au Celabor, a présenté les essais d’extraction et de caractérisation des extraits de chanvre.
- Nicolas Desoignies, chargé de cours et chercheur en phytopathologie et microbiologie appliquée à la Haute École Provinciale de Hainaut, a travaillé sur les activités bactéricides et fongicides, et a notamment démontré le potentiel du chanvre dans la lutte contre le mildiou.
- Abigaël Anselmo, chercheuse au Centre wallon de Recherches Agronomiques, s’est penchée sur l’évolution au fil du temps des fibres primaires et secondaires, indicateurs de qualité pour le textile.
- Louis Hautier, chercheur principal au Centre wallon de Recherches Agronomique, est venu présenter les résultats du projet WALBIOPEST, qui analyse le potentiel insecticide et acaricide des extraits de végétaux (dont le chanvre). Les résultats ont identifié l’effet toxique et dissuasif des sommités du chanvre sur respectivement l’acarien tétranyque et le méligèthe du colza.
ExtraForWal : caractériser les molécules d’intérêt dans les écorces
L’après-midi s’est quant à elle consacrée à la transmission des résultats du projet ExtraForWal (écorces) dont l’objectif est/ était de caractériser les extraits présents dans les écorces des principales essences forestières transformées en Wallonie (épicéa, douglas, chêne), ainsi que les propriétés de ces extraits. L’objectif étant de pouvoir ajouter une boucle de valorisation supplémentaire à ce coproduits forestiers et évaluer l’intérêt d’extraits issus d’écorces dans divers secteurs applicatifs.
En effet, les coproduits du bois tels que les écorces ne présentent à l’heure actuelle qu’un faible intérêt économique. Ces dernières sont majoritairement utilisées en tant que combustible biomasse ou encore comme paillage dans les parcs et jardins. La mission de Valbiom est d’explorer le potentiel des écorces en termes de contenance en molécules d’intérêts pour d’autres secteurs applicatifs. Or, s’il s’avère que les écorces d’arbres sont riches en certains types de molécules avec des propriétés exploitables pour les secteurs pharmaceutiques, cosmétiques, ou encore nutraceutiques par exemple, la valorisation de ces coproduits en serait fortement augmentée.
Les premiers résultats ont abouti à des perspectives intéressantes. Chaque essence d’écorce semble être riche en une famille de molécules en particulier. La taxifoline pour le douglas, l’acide ellagique pour le chêne, et l’astringine pour l’épicéa. Cette caractérisation permet d’entrouvrir certaines applications avec ces extraits (cosmétique, compléments alimentaires…). Les extraits bruts ont démontré un potentiel pour le secteur des cosmétique et de l’alimentaire grâce à leurs propriétés antioxydantes et antiradicalaires, ainsi que pour le secteur du biocontrôle. En effet, les propriétés fongicides des extraits d’écorces semblent prometteuses, notamment contre le mildiou.
Les recherches, opportunités et perspectives liées à la filière des écorces ont été présentées par les chercheurs impliqués dans le projet :
- William Donck, Chef de projet chez Valbiom
- Bruno Nailis, Économiste chez la Filière Bois Wallonie, a analysé le gisement en écorces disponible en Wallonie
- Emilie Stierlin, R&D Project Leader chez Celabor, a présenté les résultats des tests d’extraction et de caractérisation des extraits, ainsi que les résultats sur les activités cosmétiques de ceux-ci.
- Marie-Laure Fauconnier, Professeure & Responsable du Laboratoire de Chimie des Molécules Naturelles à l'Université de Liège x Gembloux Agro-Bio Tech, a permis de valider les résultats d’extraction et de caractérisation de Celabor grâce à une répétition des analyses. Les tests sur les activités herbicides ont également été réalisés par son laboratoire.
- Antoine Parmentier, Ingénieur industriel à la Haute Ecole Provinciale de Hainaut – Condorcet, a présenté les résultats prometteurs du potentiel fongicide des extraits d’écorces, notamment sur le mildiou.
- Louis Hautier, Chercheur principal au Centre wallon de Recherches Agronomiques, a réalisé des tests sur les activités insecticides et acaricides des extraits. Un effet sur la fertilité des acariens rouges a été observé.
L’extraction de molécules végétales est en marche en Wallonie !
Le temps d’une journée, les résultats des projets ExtraForWal et ExtraHempWal ont pu être présentés au réseau et ont ouvert la porte à des discussions enrichissantes parmi les acteurs wallons de ces différentes filières.
Les projets ExtraForWal et ExtraHempWal portés par Valbiom et l’ensemble des partenaires sur une durée d’un an et demi ont donné des résultats très intéressants et ouvrent ainsi la voie à de nouvelles perspectives dans chacune de ces filières.
L’extraction de molécules végétales est en marche en Wallonie !