Les bioénergies, principale source d’énergies renouvelables en Europe (devant l’éolien et le solaire) sont incontournables dans notre transition vers une société bas carbone. Pour en débattre et apporter de nouvelles pistes de solutions, ValBiom a décidé d’orienter sa dernière Assemblée générale[1] autour d’une thématique nouvelle : celle de la place du gaz renouvelable et, en particulier, du biométhane dans cette future transition.
Compte-rendu des exposés.
Le gaz vert : un potentiel encore trop peu considéré
Dans le cadre de son travail « Net Zero 2050 », l’entreprise wallonne Climact[2] a exploré les implications technico-économiques d'une réduction de 80 % à 95 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) pour la Belgique (d’ici 2050 vs 1990). Sur base de ses études approfondies, Climact estime qu’atteindre cette réduction des émissions de GES de 80 à 95 % est techniquement réalisable en Belgique. Cependant, Olivier Squilbin (consultant en promotion des énergies renouvelables, Climact) note que cela représentera un défi de taille qui implique des modifications profondes de notre société.
Il insiste : « cette transition ne se fera pas sans les bioénergies. Il faudra donc continuer à les soutenir. »
Par ailleurs, O. Squilbin souligne qu’une récente étude d'Ecofys démontre qu'il est possible de produire plus de 120 milliards de m3 de biométhane (en grande partie basé sur le modèle innovant du 'Biogasdoneright', soit la généralisation des pratiques de CIVEs) et d'hydrogène vert en Europe. Plus précisément, ¼ du gaz consommé actuellement en Europe pourrait être remplacé par une solution renouvelable. L'étude montre également qu'utiliser ce gaz dans l'infrastructure gazière existante engendre une économie de près de 140 milliards d'euros par an de coûts sociétaux dans un système énergétique zéro émissions, comparé à un système « tout électrique ».
En France : quelles conditions et quelles perspectives ?
En 2014, la France a adopté une politique volontariste, via notamment le Plan Energie Méthanisation Autonomie Azote, pour favoriser la production de biogaz. Le pays dispose d’un mécanisme de soutien à l’électricité et au biométhane, dégressif en fonction de la taille de l’unité. Il intègre à la fois une limitation des cultures énergétiques (maximum 15 % en tonnes de matières fraiches sur base de la ration annuelle), et des tarifs différenciés en fonction des intrants. Des suppléments sont accordés pour les déchets de collectivités et ménagers, les cultures intercalaires à vocation énergétiques (Cives), les déchets ou résidus agricoles dont les effluents d'élevages, les déchets/résidus agro-alimentaires, ainsi que les boues de stations d’épuration (cf. présentation n°2 ci-dessous).
Depuis l’adoption de cette politique, le nombre d'unités installées est en forte croissance : 553 biométhanisation agricoles et biodéchets ; 40 STEP[3] ; 158 ISDND[4] = 751 unités comptabilisées, dont 88 injectent du biométhane. Et la quantité de biométhane injectée dans les réseaux français est en belle progression.
Le droit à l’injection, en cours de finalisation, inversera la logique en obligeant le réseau de gaz à s’adapter au producteur de biométhane (sous certaines conditions et dans certaines limites)
Marc Schlienger, Délégué général, Club Biogaz – ATEE, ajoute que les CIVEs (cultures intercalaires à vocation énergétique) seront, d’ici 2030, incontournables à l’atteinte des objectifs de réduction des émissions de GES car elles constituent le plus gros potentiel d’intrants en France et au niveau européen.
Suivant la nouvelle PPE (programmation pluriannuelle de l’énergie), M. Schlienger souligne que le biogaz (injecté ou en usage direct) atteindrait 7 % de la consommation de gaz en 2030, avec une production en 2023 de 14 TWh/an de biogaz valorisé (dont 6 TWh/an de biométhane) et de 24 à 32 TWh/an de biogaz valorisés en 2028 (dont 14 à 22 TWh/an de biométhane) dans la trajectoire de référence.[5]
Il précise également que : « La biométhanisation est d’abord une production de digestat, avant d’être une production de biogaz. »
Au-delà des projections encourageantes côté français, M. Schlienger note que le développement global de la filière (explosion du nombre d’unités) doit être accompagné d’un encadrement long terme, moyennant par exemple le développement d’un label de qualité encadrant les fournisseurs du secteur, appelé Qualimétha. Dans le futur, la valeur commerciale du biogaz devra, en plus de l’énergie, intégrer toute la chaine du carbone évité, prendre en compte les externalités. Cependant, cela entraine une série de questions quant aux mécanismes à mettre en œuvre afin de rémunérer les unités de biométhanisation pour les services rendus.
La Belgique, propice à la valorisation du biogaz en biométhane
Matthieu Schmitt, chef de projet biométhanisation chez ValBiom, a clôturé les conférences par un exposé sur le haut potentiel du secteur biogaz en Belgique. Sur base des matières disponibles actuellement (ou rapidement mises en œuvre), il estime que ce gisement pourrait couvrir environ 10 % de la consommation actuelle de gaz naturel en Belgique.
L’agriculture regroupe 80 % des gisements : les agriculteurs sont donc potentiellement les premiers moteurs de cette transition. Enfin, sur base de son étude, M. Schmitt estime que la Belgique est un pays particulièrement adapté à la production de biogaz sous forme de biométhane, avec au moins 70 % du biogaz valorisable sous forme de biométhane injecté.
Ce potentiel de biogaz pourrait représenter un apport significatif aux objectifs du PNEC[6] tant en énergie renouvelable qu’en émissions de GES. Il précise aussi que, afin d’exploiter au mieux ce potentiel, le cadre de soutien du biométhane devra évoluer.
En termes de « coût de production du biométhane », il est, et restera, élevé (en comparaison au gaz naturel). A ce jour, M. Schmitt estime un coût environ 4 fois plus élevé, ordre de grandeur qui évoluera peu malgré quelques évolutions dans la décennie à venir.
Il précise également que le biogaz est une technologie fuel driven, c’est-à-dire dont les coûts sont majoritairement sur l’opérationnel : l’investissement ne représente que 30 % du coût total de l’énergie produite. Dans les conditions wallonnes actuelles, on analyse que seules de très grandes unités (à partir de 600 m3CH4/heure) verront le jour.
A la question « que doit-on mettre en œuvre pour développer la filière biogaz ? », M. Schmitt répond qu’il est nécessaire d’obtenir une rémunération spécifique en fonction des flux qui respecterait le cadre de la Directive européenne sur les Energies Renouvelables (RED II). Cette rémunération doit être pensée en fonction des bilans CO2 selon les matières employées, en conséquence de quoi, il est incontournable de mettre en place, comme en France, une prime liée aux types d’intrants.
Il conclut en ajoutant que rémunérer les externalités sera indispensable à la pérennisation du secteur, les impacts GES en faisant partie.
Plus d’infos ?
- Brochure : Pourquoi le biogaz est essentiel dans une société bas carbone ! – ValBiom 12.06.2019
- Document inédit à paraitre : Etude sur le potentiel du biométhane en Belgique et les potentialités d’utiliser le biométhane en substitution du gaz fossile à l’horizon 2030 et 2050 – Financée par Gas.be, la fédération des gestionnaires de réseau de transport et de distribution du gaz naturel en Belgique.
[1] Organisée le jeudi 20 juin 2019, à Namur (UCM).
[2] Climact a été fondée en 2007. L’entreprise exerce son activité au travers d'un soutien aux entreprises et autorités publiques dans le développement et la mise en œuvre de la transition énergétique et la lutte contre le changement climatique. Elle a notamment a soutenu la Wallonie dans la réalisation de son plan d'action Energie / Climat 2030.
[3] STations d'EPuration de nos eaux usées.
[4] Installation de stockage de déchets non dangereux.
[5] Source : PPE : une ambition à la baisse et sous contraintes pour le biogaz et le biométhane - atee.fr/biogaz, 28/01/2019
[6] Projet de plan national intégré Energie-Climat belge 2021-2030.