Comment la Wallonie peut-elle tirer parti de ses ressources naturelles pour développer une industrie chimique plus durable ? La réponse réside en partie dans la chimie biosourcée, un secteur prometteur qui a été au cœur d’une matinée de conférences organisée par Valbiom lors de la Quinzaine de l’Économie Circulaire 2024.
Cet événement a réuni 62 acteurs clés issus d'entreprises, de la recherche, de l'administration publique et d'organismes de financement. Les 7 orateurs experts ont présenté un état des lieux de la filière, tout en explorant les opportunités de développement de filières locales, circulaires et biosourcées en Wallonie.
Entre conférences et sessions de réseautage, ces échanges ont souligné l'importance de la collaboration pour faire avancer collectivement la filière de la chimie verte et biosourcée. Zoom sur les principaux enseignements de cette matinée.
Les fondements de la chimie verte et biosourcée
Pour le professeur Benoit Moreau, la chimie biosourcée, et plus largement la chimie verte, est un levier indispensable pour faire face aux limites des ressources pétrolières.
La chimie verte repose ainsi sur 12 principes fondamentaux¹ énoncés par Anastas et Warner en 1998, dont l’utilisation de ressources renouvelables.
Dans cette logique, l’industrie chimique idéale tirerait parti de catalyseurs renouvelables et de matières premières biosourcées, tout en minimisant les déchets et l'impact environnemental des produits mis sur le marché.
Plusieurs freins limitent cependant le développement de cette chimie idéale : les coûts élevés de certaines technologies, le manque de connaissances au sein des entreprises, un cadre réglementaire européen contraignant, ou encore la concurrence internationale.
Rassembler les acteurs du secteur et travailler collectivement à lever ses freins permettrait ainsi de penser une industrie chimique plus durable, avec de nombreuses externalités positives pour le territoire.
Transition des secteurs de la détergence et de la cosmétique
Les secteurs de la détergence et des cosmétiques montrent un intérêt croissant pour les matières premières locales et biosourcées, constate Frédérick Warzée, de l’association DETIC.
La pandémie de COVID-19 et la guerre en Ukraine ont révélé les fragilités des chaînes d’approvisionnement « traditionnelles », créant une hyper-concurrence et mettant principalement les petites structures en grande difficulté, voire en péril.
Ces phénomènes ont agi comme un « électrochoc » chez les entreprises wallonnes : elles sont nombreuses à revoir leurs manières de faire pour plus de résilience. Les exigences du Green Deal et les attentes croissantes des consommateurs en matière de responsabilité sociale et environnementale ont continué d’accentuer ce mouvement vers davantage de biosourcé.
Les attentes des consommateurs en matière de responsabilité sociale et environnementale, couplées aux exigences du Green Deal, renforcent cette tendance vers le biosourcé. Les membres de DETIC s’orientent ainsi de plus en plus vers des matières premières à faible impact environnemental, produites localement et idéalement issues de coproduits agricoles dans une démarche d’économie circulaire.
DETIC a lancé une réflexion interne pour définir les actions concrètes à mettre en place pour encourager et accompagner cette transition.
Relocalisation de la filière oléochimique en Wallonie
Quand on parle de transition vers une industrie chimique wallonne plus durable, locale et biosourcée, l’oléochimie (ou la « chimie des huiles ») a également un rôle important à jouer en Wallonie, souligne Zoé Nys de Valbiom. L’état des lieux du secteur réalisé par Valbiom révèle un grand potentiel pour ce secteur, avec quelques pistes concrètes à explorer.
Si la culture de colza « 00 » est déjà bien connue de nos agriculteurs, son cousin, le colza érucique, représente une source d’acide érucique importante, qui permettrait d’inscrire la Wallonie sur un nouveau marché. D’autres cultures oléagineuses en développement sont également prometteuses pour la filière : le tournesol, le lin, le chanvre, le soja ou encore la monnaie du Pape présentent chacun des points d’intérêt en oléochimie.
Pour les agriculteurs wallons, l’oléochimie constitue une opportunité de diversification des cultures et des débouchés non négligeables.
Innovations en Wallonie et ailleurs
Plusieurs projets de Recherche et Innovation, ou « R&I », sont en cours en Wallonie, et au-delà de nos frontières. En Wallonie, l’UCLouvain travaille sur le clivage oxydatif de l’acide oléique tandis que le consortium de recherche eBIO2CHEM étudie la synthèse enzymatique de tensioactifs.
La professeur Elmira Arab Tehrany-Kahn de l’Université de Lorraine (LIBio) a quant à elle présenté son projet de recherche sur l'extraction de liposomes du colza et de polyphénols du houblon, pour des applications thérapeutiques.
Du côté de Wagralim, le projet WALOVAL vise la valorisation de coproduits alimentaires wallons comme le son de blé et le tourteau de colza. Si les débouchés existent en alimentation humaine, les contraintes réglementaires constituent un des principaux freins à leur mise en œuvre.
Financement de projets de R&I
Pour soutenir ces initiatives, GreenWin et le NCP Wallonie ont exposé les mécanismes de financement disponibles pour des projets de R&I en chimie biosourcée. Cela inclut des financements via des projets de pôle, des appels du Cluster 6 du programme Horizon Europe, ainsi que des programmes comme LIFE et le CBE-JU.
La chimie biosourcée, au cœur des discussions
Cette matinée de conférences a mis en lumière l’intérêt du secteur chimique de se tourner vers des filières plus locales, biosourcées et circulaires. Des projets de Recherche et Innovation sont déjà en cours et des nouvelles pistes de collaboration ont été évoquées pendant la matinée.
Le succès de ce premier évènement dédié à la chimie biosourcée démontre l’intérêt de l’ensemble de l’écosystème à développer ensemble une chimie wallonne plus résiliente face aux défis sociétaux actuels.
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Compte-rendu de l'évènement "Chimie biosourcée : enjeux, opportunités et financements pour les entreprises wallonnes" tenu le 9 octobre 2024 et organisé dans le cadre de la quinzaine de l'économie circulaire avec le soutien de Circular Wallonia et du Plan de Relance de la Wallonie.
¹ P. T. Anastas, J. C. Warner, Green Chemistry : Theory and Practice, Oxford University Press, New York, 1998.